Compte tenu de l'impact de la hausse des prix à la consommation sur le budget des ménages, particulièrement sur l’énergie et l’alimentation, le Président de la République a annoncé des mesures qui trouvent leur traduction législative dans la loi n°2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d'achat, publiée au JO du 17 août 2022.
Ces mesures s'organisent autour de trois axes principaux : d'abord, la protection du niveau de vie des Français ; ensuite, la protection du consommateur ; enfin, la souveraineté énergétique.
Les mesures commentées ici sont les mesures relatives aux loyers qui visent à assurer la protection du niveau de vie des français.
Afin de prendre en compte le niveau élevé d’inflation déjà constaté et de limiter des hausses excessives de dépenses de logement pour les locataires, la loi propose d’indexer par anticipation les APL versées à compter du 1er juillet 2022 sans attendre le 1er octobre, ni dans son volet réglementaire le 1er janvier, et de plafonner l’évolution de l’IRL sur une durée d’un an, limitant ainsi la hausse des loyers.
Le taux de revalorisation anticipée et de plafonnement de l’IRL retenu est fixé à 3,5%, soit, selon l’étude d’impact de la loi nouvelle, un niveau proche de l’évolution de l’IRL attendue au deuxième trimestre 2022.
Les mesures relatives au logement figurent aux articles 12 et 13 de la loi, et les mesures relatives aux petites et moyennes entreprises, à l’article 14.
Il est institué par l’article 12 de la loi, qui est ainsi rédigé :
I. - A. - Pour 2022, par anticipation et en remplacement de la revalorisation annuelle prévue à l'article L. 823-4 du code de la construction et de l'habitation, les paramètres mentionnés au même article L. 823-4 sont revalorisés le 1er juillet 2022 de 3,5 % pour toutes les aides mentionnées à l'article L. 821-1 du même code.
B. - L'article L. 823-4 du code de la construction et de l'habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La date de l'indice de référence des loyers prise en compte pour cette révision est celle du deuxième trimestre de l'année en cours. »
II. - Pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l'année 2022 et le deuxième trimestre de l'année 2023, la variation en glissement annuel de l'indice de référence des loyers ne peut excéder 3,5 %.
III. - Par dérogation au II, dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, (départements d’outre-mer) pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l'année 2022 et le deuxième trimestre de l'année 2023, la variation en glissement annuel de l'indice de référence des loyers ne peut excéder 2,5 %.
IV. - Dans la collectivité de Corse, pour la fixation des indices de référence des loyers entre le troisième trimestre de l'année 2022 et le deuxième trimestre de l'année 2023, le représentant de l'Etat peut, par arrêté, moduler, dans la limite de 1,5 point de pourcentage, la variation mentionnée au II. Cette modulation est opérée après consultation pour avis de l'assemblée de Corse.
Le dernier indice de référence des loyers publié au JO du 14 juillet 2022 était celui du 2ème trimestre, et il constatait une hausse de 3,6% sur un an.
Compte tenu de l’inflation, il était à craindre que l’indice du 3ème trimestre constate une hausse encore plus forte. Aussi, la loi nouvelle plafonne la hausse de l’indice à :
Ce plafonnement s’appliquera lors de la parution de l’indice du 3ème trimestre 2022 (autour du 16 octobre 2022) et prendra fin lors de la parution de l’indice du 2ème trimestre 2023 (autour du 15 juillet 2023)
Cette mesure est générale et s’applique aussi bien dans les zones tendues, c’est-à-dire les zones d'urbanisation continue de plus de 50.000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d'accès au logement sur l'ensemble du parc résidentiel existant, que dans les autres zones.
Le plafonnement impacte donc les révisions annuelles de loyer (article 17-1 I al.2 loi du 6 juillet 1989).
Si le loyer était manifestement sous-évalué, le bailleur peut proposer un nouveau loyer, et la loi prévoit que, si elle est acceptée par le locataire ou fixée par le juge, cette hausse s'applique par sixième annuel au contrat renouvelé, puis lors du renouvellement ultérieur, dès lors qu'elle est supérieure à 10 % si le premier renouvellement avait une durée inférieure à six ans. La révision éventuelle résultant de l'article 17-1 s'applique à chaque valeur ainsi définie. (article 17-2 de la loi du 6 juillet 1989).
Le plafonnement s’applique à cette révision éventuelle.
Si le locataire n’accepte pas le nouveau loyer et si le juge n’est pas saisi, le contrat est reconduit de plein droit aux conditions antérieures du loyer, éventuellement révisé.
Le plafonnement s’applique également à cette révision éventuelle.
II en est de même dans les zones tendues, en cas d’action en réévaluation de loyer qui peut être engagée dès lors que le loyer est inférieur au loyer de référence minoré : le plafonnement s’applique à la révision éventuelle, que la réévaluation prévue par l’article 140 de la loi du 23 novembre 2018 s’applique ou pas.
L’article 13 de la loi nouvelle ajoute un alinéa à l’article 140 de la loi du 23 novembre 2018 qui détermine les règles de fixation du loyer en zone tendue.
Cet encadrement des loyers qui interdit de dépasser un loyer de référence s’applique dans 24 villes ou communautés d’agglomérations (Paris, Lille, Lyon, Villeurbanne, Bordeaux, Montpellier, Plaine Commune et Est Ensemble).
Or, la loi prévoit qu’un complément de loyer peut être appliqué au loyer de base pour des logements présentant des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
Ainsi, l’application du complément de loyer reposait sur des critères très généraux.
L’article 13 de la loi nouvelle est ainsi rédigé :
« Aucun complément de loyer ne peut être appliqué lorsque le logement présente une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : des sanitaires sur le palier, des signes d'humidité sur certains murs, un niveau de performance énergétique de classe F ou de classe G au sens de l'article L. 173-1-1 du code de la construction et de l'habitation, des fenêtres laissant anormalement passer l'air hors grille de ventilation, un vis-à-vis à moins de dix mètres, des infiltrations ou des inondations provenant de l'extérieur du logement, des problèmes d'évacuation d'eau au cours des trois derniers mois, une installation électrique dégradée ou une mauvaise exposition de la pièce principale. »
Ainsi, pour l’essentiel, il s’agit d’interdire la possibilité de fixer un complément de loyer si le logement loué présente des défauts d’entretien (humidité, absence d’étanchéité, infiltrations, évacuations d’eau insuffisantes, ou installation électrique en mauvais état).
Il en est de même si les sanitaires sont situés sur le palier, si le logement a un vis-à-vis à moins de 10 mètres, ou si le niveau de performance énergétique est en classe F ou G.
Il convient sur ce point de rappeler que les logements de la classe F ou G ne peuvent plus faire l'objet d'une augmentation de loyer entre deux locataires en zone tendue ni faire l'objet d'une indexation en cours de bail et que les logements classés G seront interdits à la location en 2025 puis les logements classés F en 2028.
Un dernier critère est plus sujet à interprétation: c’est la mauvaise exposition de la pièce principale.
Ainsi, dès lors qu’un seul de ces éléments affectera le logement loué, aucun complément de loyer ne pourra être convenu.
Un plafonnement identique à celui mis en place pour les loyers d’habitation, de 3,5%, est institué pour les petites et moyennes entreprises locataires de locaux dont le loyer est révisé selon la variation de l’ILC.
Rappelons que l’indice des Loyers Commerciaux, ou ILC, est utilisé pour la révision des loyers des baux commerciaux et activités artisanales, à l’exception des activités industrielles et celles exercées dans des bureaux ou des entrepôts.
C’est ainsi que l’article 14 de la loi prévoit que
La variation annuelle de l'indice des loyers commerciaux, publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques, prise en compte pour la révision du loyer applicable aux petites et moyennes entreprises ne peut excéder 3,5 % pour les trimestres compris entre le deuxième trimestre 2022 et le premier trimestre 2023. Le plafonnement de la variation annuelle est définitivement acquis et la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision postérieure ne peut prendre en compte la part de variation de l'indice des loyers commerciaux supérieure à 3,5 % sur cette même période.
Les petites et moyennes entreprises mentionnées au premier alinéa du présent article répondent à la définition de l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
Cette annexe au dit règlement définit ainsi les entreprises visées :
Effectif et seuils financiers définissant les catégories d'entreprises
1. La catégorie des micro, petites et moyennes entreprises (PME) est constituée des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions EUR ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions EUR.
2. Dans la catégorie des PME, une petite entreprise est définie comme une entreprise qui occupe moins de 50 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel n'excède pas 10 millions EUR.
3. Dans la catégorie des PME, une microentreprise est définie comme une entreprise qui occupe moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel n'excède pas 2 millions EUR.
Le plafonnement s’appliquera pour la période comprise entre la parution de l’indice du 2ème trimestre 2022 (autour du 26 septembre 2022) et la parution de l’indice du 1er trimestre 2023 (autour du 25 juin 2023).
Le loyer plafonné sera définitivement acquis et les révisions postérieures ne pourront prendre pour base le loyer antérieur au plafonnement.
Vincent CANU – Avocat au Barreau de Paris – spécialiste en droit immobilier